La conduite et les impératifs de la consultation médicale

La consultation médicale repose sur une rencontre entre un souffrant et un soignant. Le premier expose ses plaintes, le second les recueille, examine le malade, demande d’éventuels examens sur la base d’hypothèses diagnostiques, pose le diagnostic, fait une prescription par le biais d’une ordonnance qu’il explique, assure le suivi pour évaluer le traitement dont il collecte et corrige d’éventuels effets secondaires.

En dehors des situations d’urgence où le malade est d’emblée pris en charge, la consultation se fait habituellement après obtention d’un rendez-vous. Le malade est reçu à l’entrée de la salle de consultation par le soignant qui le salue et l’y fait entrer. L’usage d’une sonnerie (dont sont nanties certaines de nos formations sanitaires datant de l’époque coloniale) pour demander au malade d’entrer dans la salle, le soignant assis, n’est pas acceptable.

La consultation commence par un interrogatoire, dans une ambiance détendue, le malade mis à l’aise, les questions posées de façon respectueuse et conviviale, l’écoute attentive et active, en s’assurant à chaque fois d’être mutuellement compris, et les rapports humanisés et au moins obliques, à défaut d’être strictement horizontaux. Voilà pourquoi la consultation est chronophage, et mérite à chaque fois qu’on lui accorde le temps qu’elle nécessite. Son heure de début peut être connue, mais pas celle de sa fin. La consultation ne saurait être hachée par des coups de fil ou des visites intempestives, symptomatiques du peu d’intérêt et de respect accordé au malade que l’on a en face de soi. L’appartenance au corps ne justifie pas l’irruption brutale dans la salle d’un soignant autre que celui consultant le malade. La collecte des données se fait à travers un dossier établi en bonne et due forme, ressorti à chaque visite ultérieure.

L’intimité du malade doit être préservée, tant au cours de l’interrogatoire qu’au cours de l’examen physique, effectué sur un malade dévêtu. Chacun des gestes du soignant s’effectue avec douceur et d’éventuelles explications de son bien-fondé. L’on doit constamment prendre en compte la faculté du malade à comprendre, et rendre intelligibles le langage et les faits et gestes. En d’autres termes, le malade doit prendre une part active à la consultation.

Au terme de l’examen physique, le soignant peut être amené à prescrire des examens complémentaires, dont le bien-fondé est expliqué, et la demande exclusivement dictée par l’intérêt que le malade peut en tirer. L’ensemble de la démarche se solde par l’émission d’un diagnostic et par une ordonnance. A la fin de la consultation, le soignant se lève, raccompagne son malade et le salue d’un au revoir. La qualité et la pertinence d’une ordonnance sont souvent inversement proportionnelles à sa longueur. Les produits prescrits ne doivent pas s’arrimer à la multitude des hypothèses diagnostiques. Il s’agirait alors d’une démarche analogue à celle de la loterie. De même, doit rendre interrogatif le patient la multitude de titres redondants et mystificateurs du soignant occupant une bonne partie de l’ordonnance. Les seules données dont a besoin le patient sont celles relatives à l’exacte qualification du soignant et à son adresse. Le long passé du soignant, ponctué de passages dans telle ou telle faculté, est exempt de pertinence. Plus que ce passé, c’est l’aptitude du soignant à le prendre en charge selon les règles de l’art qui intéresse le souffrant. De même, manquent de pertinence le tintamarre et la gesticulation médiatiques vantant le champ d’intervention d’un soignant. Le bouche à oreille, véhiculant la parfaite prise en charge de ses malades par le soignant, constitue le canal le plus efficace et le plus légitime de son rayonnement et de sa popularité.

Sont ainsi improductives les consultations expéditives où le malade n’a même pas eu le temps d’exposer le motif de sa présence ; sont dénuées de respect pour le malade certaines pratiques (usage d’une sonnerie demandant au malade de rentrer dans la salle de consultation, coup de téléphone intempestifs, écoute de la radio, irruption d’autre soignant dans la salle de consultation) ; sont contre-productifs les examens dont la demande n’est pas fondée sur l’intérêt exclusif du malade ; sont mystificateurs les titres redondants et passéistes meublant l’ordonnance ; sont profondément dommageables et contraires à l’éthique médicale toutes les attitudes et pratiques motivées par une finalité mercantile ; toute la démarche du soignant doit avoir pour seul guide l’intérêt du malade. La prise en compte de ces données de base est indispensable à la bonne prise en charge des patients. Ce n’est qu’à ce prix que pourrait se justifier notre raison d’être. Le don de soi, le respect d’autrui indissociable du respect de soi, la spécificité que revêt l’art de soigner depuis la nuit des temps et la noblesse y afférente, en phase avec le serment d’Hippocrate, la prière de Maïmonide et le serment de Florence Nachtigal, doivent être constamment présents dans notre esprit et effectivement mis en œuvre.

Le fabuleux métier qu’est l’art de soigner nous permet de nous élever en nous déconnectant du terre-à-terre et en apprenant constamment de la spécificité de chaque cas (l’expérience étant trompeuse), arrimant l’exercice quotidien de la médecine à la grande université de la vie dont on s’instruit tous les jours.

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