« Le seul moyen de guérir, c’est de se considérer comme guéri » Gustave Flaubert

Guérir est la finalité assignée à la médecine curative et l’attente de tout consultant souffrant. Toute la démarche du médecin vise à y concourir. Guérir consiste à permettre au malade de retrouver son état antérieur à la maladie, à travers notamment une cicatrisation ad integrum. Guérir est l’ultime résultat de l’ensemble de la démarche du soignant et le plus important des critères d’évaluation de celui-ci. L’idée de sa possible survenue est source d’espoir et son effectivité confère son mythe à la profession de soignant, allant parfois jusqu’à la déification. Son obtention totale ou partielle conditionne l’acte médical. A défaut d’une guérison, la prise en charge du patient est évaluée par une possible rémission au cours de laquelle la maladie, rendue silencieuse, est dépourvue d’une répercussion notable sur l’état du malade. Cette rémission fait également l’objet de critères bien définis, notamment au cours des maladies chroniques. Concourent à la guérison tout comme à la rémission, aussi bien la maîtrise technique de son métier par le soignant que la conviction du malade de mieux se porter. Tout ce qui fait naître ou galvanise celle-ci augmente la probabilité de guérir. Cette conviction est déterminante et constitue le socle de l’effet placébo dont la prise en compte dans les essais thérapeutiques est indispensable. Elle confirme l’impact de la composante psychique dans le résultat du traitement de n’importe quelle maladie, même de celles supposées entièrement organiques.

La survenue de la guérison au terme d’une maladie est multifactorielle, liée à la convergence de plusieurs paramètres intriqués : outre le cadre, interviennent la compétence, la perception de sa profession et la personnalité du soignant d’une part, la personnalité, la perception du monde, et la perception de la médecine par le soigné d’autre part, l’ensemble moulant les rapports soignant-soigné. De tous ces paramètres, la compétence issue de la formation acquise, semble le moins subjectif. Elle est fondamentale, le pire danger auquel est exposé un malade est d’être pris en charge par un soignant ignorant. Elle est nécessaire, mais n’est pas suffisante, son adjonction aux autres paramètres étant indispensable à la guérison.

D’énormes progrès ont été enregistrés au XXème siècle par la médecine dont les pouvoirs ont été accrus par des outils diagnostiques et thérapeutiques. Les moyens diagnostiques qui ont affecté aussi bien la biologie que l’imagerie servent d’assise à la médecine prédictive. Le pouvoir issu des énormes moyens thérapeutiques permet à la médecine non seulement de s’apposer à la nature (restauration de la santé), mais aussi de s’y opposer (chirurgie esthétique, transsexualité, possibilité du choix du profil de ses descendants, etc.), avec d’importants questionnements éthiques. Tout en élargissant le pouvoir médical, ces progrès ont agrandi la responsabilité du médecin, dont les actes sont scrutés et passés au peigne fin, et la moindre erreur objet de plaintes devant les tribunaux, bien qu’il reste soumis à une obligation de moyen.

En dépit des fulgurants progrès de la médecine, les résultats de l’acte médical dont la finalité est la guérison du malade, restent, aujourd’hui comme toujours, fortement impactés par la perception et la conviction du malade. Tout simplement parce que la biologie a comme fondement la variabilité, et l’homme pour caractéristiques essentielles l’ondoyance et la diversité (Montaigne). L’ensemble des facteurs concourant au résultat d’un traitement en dehors de ses caractéristiques objectives sert d’ossature à l’effet placebo. Ces facteurs à prendre en compte résultent de l’attitude du médecin, de la conception qu’il a de son art, de la manière dont il exerce son art, de sa réputation, et de l’idée que s’en fait le malade. Il faut constamment garder à l’esprit qu’il n’y a pas de médecine sans confiance, de confiance sans confidence, de confidence sans secret (Louis Portes).

Être précédé d’une bonne réputation est un avantage et un facteur facilitant en médecine. La conviction du malade d’être dans de bonnes mains allège la tâche du médecin, dans la mesure où elle fluidifie les relations soignant-soigné et galvanise l’adhésion au traitement. La prise en compte de cette donnée amène le chirurgien-chef à confier à son assistant débutant des cas simples, le succès du traitement devant servir d’assise à la bonne réputation du jeune dont il a la charge. A contrario, une mauvaise réputation colle souvent à la peau, son effet dévastateur étant difficile à redresser.

Au rang des reproches formulés à l’endroit du corps médical (en Afrique sub-saharienne notamment), figure le mauvais accueil réservé aux patients. C’est d’ailleurs le plus récurrent des reproches sont nous sommes l’objet. Le déficit y afférent a conduit à faire état de l’inhospitalité des centres hospitaliers. Le bon accueil est indissociable de la ponctualité, de la compassion, de la politesse, du respect, de l’humilité, de l’amabilité, de l’écoute, de la discrétion, et de la tenue correcte. Un constant effort doit être fait dans ce sens, l’accomplissement de ces exigences étant loin d’être spontané. Voltaire a eu raison d’insister sur l’aptitude du médecin à distraire le malade afin de le rendre réceptif aux conseils et aux prescriptions. De même, Ambroise Paré et Pasteur ont insisté sur l’importance de la compassion et de la consolation, en soulignant que le devoir du soignant consiste à guérir parfois, soulager souvent et comprendre toujours.

Le soignant doit avoir à l’esprit sa double posture de consultant et de consulté, et se savoir aussi examiné par le malade durant la consultation. Celui-ci décrypte sa mimique, ses mots, ses gestes et toute la composante non verbale de l’échange, et l’intérêt qu’il porte à sa personne bien au-delà du souffrant qu’il est, le tout aboutissant au diagnostic de la maîtrise ou non de son métier, de l’effort d’horizontalisation ou non des rapports avec le soigné, et de la capacité ou non à considérer pleinement celui-ci comme un semblable. Ainsi se trouvent parcourues les règles de conduite du soignant préconisées par Hippocrate, Maïmonide et Ambroise Paré, tout en sachant que le mode vertical des rapports soignant-soigné d’antan n’a plus cours.

L’aptitude et le souci du médecin à expliquer au malade chacun des actes et chacune des prescriptions sont essentiels. Ces explications doivent être dépouillées de termes techniques et rendues intelligibles, ce qui permet d’ailleurs à l’expliquant de s’assurer qu’il a lui-même bien compris et maîtrisé les concepts y relatifs. Bien expliquer avec pour souci d’être bien compris exige du temps. Doivent être ainsi évitées les consultations expéditives, motivées par l’appât du gain, entretenu par la société d’immédiateté et de cumul caractéristique de ce troisième millénaire commençant. Ce point explicatif est d’autant plus important que la faculté a perdu l’exclusivité du savoir médical, aujourd’hui facilement accessible à tous grâce au numérique. Des associations de malades permettent à ceux-ci d’échanger des informations relatives à leurs maladies, notamment chroniques, et d’en avoir une solide connaissance.

L’ensemble de ces paramètres autres qu’objectifs influençant le résultat de l’acte médical sert de socle à l’effet placébo et explique la méthode Coué. Celle-ci est basée sur l’autosuggestion, la conviction d’aller mieux permettant d’aller mieux. Il s’agit en même temps d’une prophétie autoréalisatrice entraînant l’adhésion du malade aux idées positives qu’il s’impose pour un mieux-être tant physique que psychologique. Ceci n’est d’ailleurs pas spécifique au domaine médical, et s’observe ailleurs, notamment dans l’enseignement. L’importance de cette composante dans le domaine médical rend impérative sa prise en compte, pour éviter à la médecine de perdre son âme et son essence, et lui permettre de rester humaine, tout en se nourrissant des avancées technologiques, confirmant ainsi la pensée de Flaubert.

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