La médecine a pour but de «Guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours» (Ambroise Paré, Louis Pasteur)

La médecine (du latin « medicus », qui guérit) est aussi vieille que le monde et trouve ses racines dans l’hominisation au décours de laquelle notre lointain ancêtre, l’Homo sapiens, non content de voir et de subir, s’est résolu à combattre la maladie et la souffrance, afin de reculer leur potentielle issue que représente la mort. Sur tous les continents, la médecine, longtemps considérée comme d’essence métaphysique, reposait sur les plantes et le recours au sacré. Pendant des millénaires, elle visait à restaurer ou à maintenir la santé en combattant et en prévenant la maladie. L’approche holistique, faite de la prise en compte du concept de bien-être physique, mental et social, permit à la médecine d’aller au-delà de l’arrimage de la santé à l’absence de maladie (Organisation Mondiale de la Santé). Dans une dernière phase, les fulgurants progrès par elle enregistrés, surtout dans la seconde moitié du XXème siècle, ont conduit à assigner une mission supplémentaire à la médecine, désormais appelée à prédire la survenue de maladies et à répondre à des sollicitations, parfois individuelles et personnelles, s’écartant des normes établies jusqu’alors. La nouvelle finalité consiste à viser plus haut et plus loin que la nature, non seulement en allongeant la durée de vie, mais aussi en en améliorant la qualité et le confort, et en y intégrant de nouveaux agrégats. Se trouve devenu hautement plus complexe, plus étendu et plus actuel ce qui a longtemps été attendu de la médecine : guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours.

La guérison, au sens commun du terme, consiste au rétablissement de la santé, et à la restitution ad integrum des tissus. Un tel résultat est obtenu au décours des maladies infectieuses (virales, parasitaires ou microbiennes). Ces affections souvent aiguës, durent quelques jours en moyenne, spontanément (infections virales) ou après traitement. Une guérison complète peut également être consécutive à une consolidation osseuse après réduction d’une fracture. Tel n’est souvent pas le cas des maladies chroniques, avec lesquelles il est possible de cohabiter, sous réserve d’un traitement de longue durée, voire d’un traitement à vie, garant d’une vie quasi-normale. Il en est ainsi du diabète, de l’hypertension artérielle, du glaucome, des cancers, de l’épilepsie, des allergies et de l’asthme, de la goutte et d’autres rhumatismes, de la drépanocytose, et de la défaillance d’organes nobles (insuffisances rénale, respiratoire et cardiaque). Ces maladies imposent habituellement une hygiène de vie. Celles à transmission héréditaire imposent d’être prises en compte dans le bilan prénuptial. La fréquence de ces maladies chroniques dans une population augmente avec l’allongement de l’espérance de vie dont la brièveté peut donner une fausse impression de leur rareté. Bien maîtrisées, elles n’entravent pas la vie de leurs victimes et sont compatibles avec l’exercice des plus hautes fonctions et de la plupart des métiers. Ces maladies chroniques constituent le plus important chapitre des maladies abusivement qualifiées de non transmissibles, même si certaines le sont en réalité, parce que nanties d’une composante héréditaire (drépanocytose, goutte, cancer de la prostate) et d’autres générées par des infections (cancer du col de l’utérus secondaire à l’infection par le papilloma virus humain, cancer du foie secondaire aux hépatites virales B et C).

La prévention et le traitement des maladies ont ainsi longtemps reposé sur une démarche et des stratégies en phase avec la nature à laquelle la médecine s’est arrimée et apposée. Durant la seconde moitié du XXème siècle, la médecine s’est dotée d’un énorme pouvoir issu de ses innombrables prouesses. La conséquence fut notamment les nouvelles prérogatives dont elle s’arroge, en franchissant les limites de la nature à laquelle elle s’oppose désormais et dont elle s’affranchit des normes et des codes, poussée en cela par l’extension du champ de la liberté individuelle, en ce troisième millénaire commençant. La chirurgie esthétique (où la correction du corps permet d’en favoriser le langage, en vue d’une auto-séduction ou d’une séduction dirigée vers autrui), la transsexualité (née de la conviction inébranlable et persistante d’une personne d’appartenir au sexe biologique opposé), et le choix, dans un avenir pas si lointain, par les parents du profil génétique de leur descendance, en sont des exemples patents. Cette tournure prise par la médecine bouleverse parfois la normativité admise jusqu’alors, et soulève de nombreuses questions d’ordre éthique, tant dans sa genèse que dans ses conséquences individuelles et collectives. Elle est surtout en vogue dans les pays nantis, et est aux antipodes des besoins sanitaires fondamentaux de plus de la moitié de l’humanité, besoins naturels et nécessaires, à satisfaire par la simple apposition de la médecine à la nature.

Le souci de consoler anime toutes les stratégies mises en place en médecine pour soulager le patient de sa peine, alléger l’affliction qui le torture, combattre la douleur et compatir. Les progrès de la chirurgie sont indissociables de ceux de l’anesthésie qui en permet la bonne mise en œuvre. Le traitement des cancers, notamment dans son versant palliatif, est dominé par la lutte contre la douleur, désormais objet de protocoles bien codifiés, auxquels sont arrimés l’empathie, l’écoute, l’accueil, la présence et leurs corollaires, le soulagement et la consolation.  Le soignant ne doit pas perdre de vue « qu’une personne sur la dérive a besoin de beaucoup plus de consolation que de conseils et de reproches ». (Adak). On aborde ainsi les deux versants souvent imbriqués, physique et psychique, de la douleur, même lorsque celle-ci est générée par une cause organique. Cette double approche s’est affinée au fil du temps, depuis l’ouverture en 1967 du premier centre dédié aux soins palliatifs dans la banlieue de Londres, la Saint Christopher’s Hospice, dont la fondatrice, Cicely Saunders,en décrivait l’essence comme « une franchise alliant le cœur et la liberté de l’esprit ». Cet alliage est fondé sur l’écoute (« Parler de ses peines, c’est déjà se consoler » Albert Camus) qui exige du soignant effort, adaptation, patience, souplesse et don de soi, bref un arsenal d’exigences tel que voulues, pratiquées et décrites par Ambroise Paré, le père de la chirurgie moderne, et Louis Pasteur, le père de la bactériologie.

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