Évolution du mode de gestion des formations sanitaires publiques du Togo

La gouvernance, malheureusement trop longtemps reléguée au second plan, est l’un des piliers du système de santé. Deux phases ont caractérisé le mode de gestion des formations sanitaires publiques dans la plupart des pays africains : le tout-État, de l’introduction de la médecine moderne par le biais de la colonisation aux années 2000, et le recours au privé à des degrés variables depuis une vingtaine d’années. La défaillance de gestion, principale cause de dysfonctionnement des formations sanitaires publiques et alimentée par le non-respect de la chose publique et de la déontologie médicale, a servi de sève nourricière à la seconde phase. Tout ceci dans un contexte où l’ancrage de la notion et du concept d’État est en construction. L’Initiative de Bamako, mise en œuvre dans les années 1980 et comportant un certain niveau de recouvrement des coûts (fixation de tarifs des prestations) et une participation communautaire avec la création de comités de gestion, a parfois été l’objet d’un détournement d’objectif. Cette seconde phase se traduit à ce jour au Togo par une réforme impliquant le privé et faite de la contractualisation et du leasing.

La contractualisation, commencée en juin 2017 au centre hospitalier régional d’Atakpamé et au centre hospitalier préfectoral de Blitta, a progressivement été étendue à d’autres entités, aboutissant à ce jour à l’enrôlement de dix centres issus des trois étages de la pyramide sanitaire : le centre hospitalo-universitaire Sylvanus Olympio  de Lomé (CHU-SO), le  centre hospitalo-universitaire de Kara, les centres hospitaliers régionaux de Dapaong, de Tomdè, de Sokodé, d’Atakpamé et de Tsévié, les centres hospitaliers préfectoraux de Notsé et de Blitta, et le centre national de transfusion sanguine. La contractualisation s’est soldée par des résultats encourageants, traduits au 31 mars 2023 par une augmentation du nombre d’actes de 49% (consultations (29%), hospitalisations (10%), chirurgie (150%), maternité (43%), laboratoire (60%), imagerie (63%)), une augmentation des chiffres d’affaires de 66% (consultations (31%), hospitalisation (63%), chirurgie (54%), maternité (27%), laboratoire (104%), imagerie (69%)), et une disponibilité des médicaments de plus de 95%. L’augmentation des chiffres d’affaires a notamment permis le paiement régulier des salaires et des primes des agents émargeant sur le budget des centres, de même que le paiement progressif des dettes des hôpitaux à l’égard des grossistes. Le coût de la contractualisation correspond à 6% du budget de fonctionnement des hôpitaux (salaires des fonctionnaires non compris), et à 20% de l’écart des chiffres d’affaires enregistrés. L’ensemble des données afférentes à la contractualisation a été l’objet d’un ouvrage que j’ai récemment publié aux éditions L’Harmattan.

Le leasing, mis en place en janvier 2020 dans les laboratoires du CHU-SO, à l’instar de celui en vigueur à l’Institut National d’Hygiène (INH) depuis 2016, a eu pour socle un contrat par lequel un fournisseur met à disposition des équipements (en l’occurrence des automates) dont il assure le fonctionnement et la maintenance, tous frais payés par lui. En contrepartie, l’établissement s’engage à acheter les réactifs et consommables correspondant à hauteur d’un montant minimum fixé d’un commun accord, sur la base des consommations antérieures. Les résultats se sont soldés par une augmentation de chiffres d’affaires de 95% en trois ans (biochimie (118%), hématologie, immunologie et sérologie (69%)) et du nombre d’actes nombre de 62% (biochimie (72%), hématologie, immunologie et sérologie (44%)) (tableaux 1 et 2). Les avantages tirés du leasing sont : aucune dépense à l’acquisition des automates ; aucune dépense de maintenance tant préventive que curative des automates ; mise à disposition d’équipements de dernière génération et aux normes ; facilités, rapidité et continuité de services ; possibilité de remplacement des équipements en cas de panne de longue durée ; élargissement de la gamme des prestations (de 44 analyses à 134) ; satisfaction des patients à 79% en décembre 2022 (contre 56% en décembre 2019). Les difficultés rencontrées relèvent de quelques retards dans les maintenances curatives, de rares ruptures de certains réactifs et de la pression des fournisseurs sur le CHU-SO, appelé à acheter les quantités de réactifs conformes aux termes au contrat. C’est sous le même format de leasing que sera acquis et géré le scanner dont le CHU-SO sera bientôt doté.

Tableau 1 – Évolution du nombre d’actes

2019 2020 2021 2022 Écart 2022/2019 (%)
Hématologie Immunologie Sérologie 53 290 60 435 64 697 76 817 23 527 (44%)
Biochimie 99 426 117 889 147 613 170 518 71 092 (72%)
Total 152 716 178 324 212 310 247 335 94 619 (62%)

 

Tableau 2 – Évolution des Chiffres d’affaires

2019 2020 2021 2022 Écart 2022/2019 (%)
Hématologie Immunologie Sérologie 123 866 475 161 196 705 180 795 700 209 382 495 85 516 020 (69%)
Biochimie 133 448 595 193 160 985 250 821 035 291 295 260 157 846 665 (118%)
Total 257 315 070 354 357 690 431 616 735 500 677 755 243 362 685(95%)

Tout comme la contractualisation, le leasing est appelé à être étendu aux différentes formations sanitaires. Les nouvelles entités et celles à rénover seront l’objet d’une gestion sous la forme d’un partenariat public privé. Il en est ainsi du CHU Campus de Lomé et du CHU Kara dont les travaux d’extension, de réhabilitation et d’équipements vont bientôt commencer sur la base d’un protocole d’accord signé en mars 2023.

Il résulte de ce qui précède que la réforme ayant consisté à tourner la page du tout-État et à recourir à des initiatives impliquant le privé se solde par des résultats plus qu’encourageants, incitant le gouvernement à continuer dans cette voie.

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