Réflexions et propositions sur le concours de l’internat des hôpitaux de Lomé

Le 26 décembre 1996, au lendemain de mon admission au concours d’agrégation, j’ai eu à adresser le document ci-dessous aux collègues enseignants de la faculté mixte de médecine et de pharmacie de l’Université de Lomé. Il s’est agi d’une analyse critique du concours de l’internat des hôpitaux, tel que conçu et organisé depuis sa toute première session en 1982, assortie de propositions visant à le reformer. Le concours, dans sa phase écrite, reposait sur quatre épreuves, les sujets étant élaborés après tirage au sort d’une seule des questions composant chacune des matières (anatomie, biologie, pathologie médicale, pathologie chirurgicale). La durée de chaque épreuve était de deux heures, avec une première heure de réflexion seulement au bout de laquelle sont remises les feuilles d’examen. Etaient admissibles à l’épreuve orale ceux des candidats ayant obtenu au moins une moyenne de 12 sur 20. Malgré la furie de certains conservateurs, fort heureusement minoritaires, l’idée fit rapidement son chemin et permit l’adoption immédiate de la réforme proposée, base du concours depuis lors.

Le concours de l’internat des hôpitaux vise à sélectionner des étudiants en vue de les doter d’une solide formation pouvant éventuellement déboucher sur la carrière hospitalo-universitaire. Il doit générer non pas une belle formation, mais une bonne formation. Il vise à recruter des étudiants à former, et non pas des étudiants formés. Ainsi, la solide formation visée est postérieure au concours qui n’est qu’une clé destinée à ouvrir la porte de l’apprentissage médical.

La préparation au concours, aussi minutieuse soit-elle, ne peut que procurer une masse de connaissances à la fois théoriques et générales. Elle ne peut en aucun cas se substituer à la formation elle-même. Pour être utile et efficace, le système d’internat doit non seulement se débarrasser de ses mythes, mais aussi s’adapter aux méthodes pédagogiques modernes.

Les trois derniers concours organisés à la faculté de médecine et de pharmacie se sont soldés par des résultats qui inspirent quelques réflexions :

  • le nombre de candidats reçus a été nettement inférieur au nombre de postes prévus. Un seul candidat a été reçu à l’avant-dernier concours, et aucun au dernier. Il est indéniable que certains des candidats recalés sont aptes à suivre la formation à laquelle le concours est destiné. En outre, les résultats actuels entretiennent un mythe, absolument néfaste à la formation. Ils peuvent amener l’autorité ministérielle chargée de lancer le concours à douter de l’utilité de celui-ci ;
  • la méthode d’évaluation utilisée est la question rédactionnelle unique par matière dont les lacunes et les limites sont bien connues en pédagogie des sciences de la santé. Ces lacunes sont notamment caractérisées par un fort taux de hasard. Les résultats enregistrés au dernier concours me semblent avant tout résulter de ces lacunes. L’incertitude et le caractère aléatoire des résultats générés par la méthode en cours retentissent négativement sur la motivation des candidats. Celle-ci pourrait être suscitée par une méthode d’évaluation plus objective et moins aléatoire ;
  • le programme du concours ne reflète qu’imparfaitement les différentes affections observées en pratique médicale quotidienne. En outre, il n’existe pas de parfaite harmonie entre le contenu du programme du concours et les différents certificats enseignés à la faculté ;
  • une vision plus rationnelle, dépourvue de tabous et accordant la priorité à l’efficacité nécessaire pour venir à bout de certaines dispositions franchement discutables (remettre les feuilles d’examen après « une heure de réflexion » pour des sujets ne méritant que rarement de la réflexion) ;
  • le classique plan comportant le type de description et les formes cliniques est caduc. Cette caducité a été établie depuis plus de 20 ans dans différentes spécialités médicales où la pratique quotidienne est incompatible avec un « type de description ». En effet, la non spécificité des signes que comportent la plupart des affections a conduit à établir des critères dont des études statistiques déterminent la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive et la valeur prédictive négative. Cette approche a confirmé le caractère franchement artificiel des formes cliniques dont on peut multiplier le nombre à l’infini. Il importe que le concours de l’internat s’adapte à l’évolution de la pensée médicale qui a profondément été bouleversée par les études statistiques au cours du dernier quart du XXème siècle.

Ces différents constats me conduisent à formuler les propositions suivantes :

  • revoir le programme du concours de l’internat en demandant aux différents enseignants d’y inclure l’essentiel de leurs matières respectives ;
  • diviser chacune des quatre parties du programme (anatomie, biologie, pathologie médicale, pathologie chirurgicale) en quatre sous-parties connues des candidats. Chacune de ces quatre sous-parties fera l’objet d’une question de 30 minutes tirées au sort. On aboutira ainsi à quatre sujets composés chacun de quatre questions de 30 minutes. Chaque sujet aura une durée effective de deux heures. L’heure de réflexion sera supprimée et les feuilles d’examens immédiatement données aux candidats en début d’épreuve ;
  • ramener à 10/20 la moyenne d’admissibilité ;
  • débarrasser le concours et la formation de l’interne du mythe qui les caractérise et qui inhibe l’apprentissage d’éléments étrangers au canal de l’internat.

Les résultats des derniers concours suscitent un débat qui mérite d’être déclenché en urgence. Ce débat mené dans les prochaines semaines pourrait aboutir à des réformes au premier trimestre 1997. Les nouvelles dispositions ainsi arrêtées motiveraient indéniablement les différents acteurs et donneraient à l’internat la place qu’il mérite au sein de la faculté mixte de médecine et de pharmacie de Lomé.

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