Le génie, c’est 1% d’inspiration et 99% de transpiration (Thomas Edison)

La réussite, quels qu’en soient la définition, le contenu et les contours, résulte schématiquement de l’effet conjugué d’aptitudes, du travail et de la chance. Les aptitudes, souvent indissociables de la sphère de l’inné, ont pour site le cerveau dont le rôle est de plus en plus étayé par la science. Cet organe est entre autres le siège de la mémoire que nos lointains ancêtres croyaient logée dans le cœur (d’où l’expression apprendre par cœur). Les facultés acquises par l’Homme grâce au cerveau servent de socle à sa place au sommet des créatures et à la domination qu’il exerce sur les différentes entités de la nature. Refusant de voir et de subir, il imagine, invente, entreprend et bâtit. L’intelligence, dont on sait aujourd’hui qu’il existe une multitude de formes, lui est toujours associée. Cette faculté, toujours magnifiée, surplombe parfois à tort le raisonnement, amenant à reléguer au second plan le rôle de l’effort dans l’obtention de résultats, comme si les deux concepts forment un duel plutôt qu’un duo. La réussite est aussi conditionnée par le fait d’arriver au bon endroit et au bon moment, au carrefour du hasard et de la nécessité. En effet, les aléas susceptibles d’influencer le cours de chaque évènement sont éminemment variables et pour la plupart étrangers à l’individu. Par conséquent, celui-ci n’y exerce que peu d’influence sur leur genèse, leur survenue et leur évolution. La chance est l’effet favorable de la conjonction de ces facteurs relevant du hasard, et incontrôlés de l’individu. Fait capital, pour l’atteinte des objectifs permettant de se hisser au sommet, facultés mentales, goût de l’effort et chance sont étroitement liés, souvent imbriqués et intriqués, et presque toujours corrélés.

Différents termes ont été utilisés pour caractériser ceux nantis d’une fulgurance intellectuelle et d’une capacité de réflexion hors du commun : génie, surdoué, précoce, haut potentiel intellectuel, etc. Même si la définition de cette catégorie de personnes est loin d’être simple et uniforme, leur répartition à travers le globe est homogène. Dieu dans son infinie bonté en a doté toutes les formes de la race humaine, tous les continents, toutes les civilisations et toutes les cultures. Les quantifications de l’intelligence dans une population (souvent discutables certes), à l’instar d’autres paramètres biologiques, ont une distribution obéissant à la courbe de Gauss, les gens d’exception se situant à l’extrémité droite de la courbe. Il importe de favoriser l’éclosion des aptitudes de ces personnes hors normes (règle d’ailleurs valable pour tous) enfouies dans le cerveau. Seule cette éclosion en permet l’identification, l’intensification, l’exploitation et la prise en compte des limites. Au rang des caractéristiques de ces cerveaux d’exception rapportées dans la littérature figurent la curiosité et la soif d’apprendre, l’élévation du savoir au rang du sacré, un intérêt obsessionnel pour certains sujets, l’apprentissage précoce de la lecture, une grande capacité d’attention et de mémorisation, une maturité intellectuelle précoce, une capacité à faire plus d’une chose à la fois, un vif intérêt porté à l’histoire, à l’origine de l’homme, aux problèmes moraux, à la mort et à la philosophie, un sens de la justice, une extrême sensibilité à l’harmonie, un abord et une analyse décompartimentés des problèmes comme si les différentes entités du cerveau sont constamment interconnectées, une forte capacité d’abstraction et de conceptualisation, mais aussi un tempérament solitaire, une infirmité à être dans le tempo car jamais synchronisé avec le mouvement général, et une difficulté à prendre des décisions face à un problème dont la solution ne relève pas de la seule logique (Jeanne Siaud-Facchin).

Cette fulgurance intellectuelle est le premier bras d’une balance dont le second est représenté par un acharnement au travail frisant l’obsession. La soif du savoir et le goût du professionnalisme constituent la sève nourricière de cette ardeur au travail dont Philippe Laurent fait l’apologie : « Le génie sans travail n’est pas génie car il n’invente rien, le champion sans travail n’est pas champion car il ne gagne rien, la star sans travail n’est plus star car elle ne brille plus. Peu sont génies, champions ou stars mais tout un chacun peut aller au bout de ses capacités quand les conditions favorables à la mise en acte de sa bonne volonté sont réunies. Cette victoire fortifie et contribue grandement au bonheur. Oui, rien ne résiste au travail ». Ce point de vue magnifiant le travail est partagé par Jacques Attali qui, bien que « pathologiquement intelligent » et auréolé de l’admiration universelle, ne croit pas au génie, et qualifie de menteurs ceux qui prétendent réussir sans travailler. Gustave Flaubert travaillait environ 12 heures par jour. « Après avoir tracé une phrase sur un manuscrit placé en hauteur sur un pupitre de musique, l’écrivain allumait sa pipe, se renversait sur son siège et contemplait les mots dans une atmosphère enfumée. Au bout d’un quart d’heure, il supprimait une virgule inutile. Au second quart d’heure, il remplaçait un mot inadapté. Après 45 minutes, il effaçait le tout et recommençait à zéro. »

Des caractéristiques communes, arrimées à une dose de discipline, rythment la vie quotidienne des génies (Audrey Salles-Cook). L’étude de Mason Curry portant sur 161 scientifiques, artistes et hommes de lettres a permis de dégager sept habitudes indissociables de leur forte productivité : l’activité physique (longues marches), la mesure de l’effort (quantification du nombre d’heures quotidiennement consacrées au travail), un partenaire dévoué (Martha, épouse de Freud, allait jusqu’à mettre la pâte dentifrice sur la brosse à dents de son mari), une vie sociale limitée avec notamment une tendance à la solitude (ni fêtes, ni réceptions, ni valeurs bourgeoises pour Simone de Beauvoir ; aucun travail sérieux n’est possible sans grande solitude selon Picasso ; l’on pouvait être instruit par la société, mais seule la solitude était à l’origine de l’inspiration selon Goethe), la nécessité de s’arrêter en bon chemin (pour reprendre des forces), un espace de travail austère (isolement dans un bureau austère, à l’abri de tout dérangement), et la séparation du travail de l’administratif.

On se rend ainsi compte que les deux facettes du profil de ces femmes et hommes d’exception que sont les génies sont à la fois interconnectées et faites d’entités connectées en leur sein : la soif du savoir nourrit la curiosité qui sous-tend le goût de l’effort et l’ardeur au travail. La faculté de lier entre eux différents éléments cognitifs d’un concept en permet une approche globale facilitant la mémorisation. Celle-ci est en outre alimentée par la tendance à la quête constante de sens, permettant de rattacher chaque donnée nouvelle à une autre antérieurement acquise et digérée.  La conceptualisation permet d’établir un fil conducteur entre différentes données d’apparence éparse, que l’on rend ainsi interdépendantes et davantage intelligibles, le tout aboutissant à une pensée structurée. Les sujets objet d’incessantes interrogations que sont l’histoire, la philosophie et la mort sont de vastes champs d’inépuisables explorations qui incitent constamment au travail. S’y attacher volontairement procure une ardeur aussi intarissable que le plaisir et la joie y afférents. Se trouve alors établie une apposition voire une quasi-synonymie entre travail et plaisir, à l’origine d’un indéniable épanouissement.

Ainsi, la rigueur et la discipline à soi imposées permettent la mise en valeur des aptitudes dont on est nanti. Il en est ainsi aussi bien des génies que des ordinaires. On découvre ainsi l’inoxydable dimension humaine des uns et des autres, avec leurs forces et leurs faiblesses, et la raison justifiant d’avoir des modèles dont on peut espérer être la réplication. Cette démarche réduit sans l’enrayer le champ des aléas et ouvre la voie à diverses opportunités, une fois celle abordée obstruée. L’étude du parcours des femmes et des hommes d’exception que sont les génies montre à chaque fois l’effort et l’ardeur qui ont sous-tendu l’éclosion et le rayonnement de leur talent. Si l’acquisition de leurs aptitudes ne relève pas d’un quelconque mérite, son éclosion, son maintien et sa fructification sont par contre à saluer. C’est par ces facteurs que le don relevant du divin est mis au service des humains pour du même coup magnifier et glorifier le Seigneur en se mettant au service de ses semblables et en élevant son taux d’utilité sociale.

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