Le devoir d’espérer, la nécessité de croire en soi

La situation de l’homme, perché au sommet de la pyramide des créatures, résulte essentiellement des caractéristiques et des particularités de son cerveau, secondaires à la verticalisation de notre lointain ancêtre, à l’origine de ses facultés d’adaptation, d’anticipation, de prédiction et donc de planification. Ces facultés lui ont permis de dompter la nature dont malheureusement il contribue à la détérioration par la multiplication et l’hypertrophie des besoins non naturels et non nécessaires. Fort heureusement, les dégâts par lui causés font l’objet d’une prise de conscience de plus en plus soutenue et partagée. De tous les êtres, il reste celui qui, non content de voir et de subir, imagine, invente et entreprend. Il reste celui pour qui toute difficulté peut être une opportunité, source de nouvelles pistes à explorer. En dépit de l’ambiance rendue morose par un monde qui gagnerait à être franchement multilatéral et une tendance à éluder le mystère, il persiste de nombreuses raisons d’espérer, notamment en Afrique sub-saharienne, à condition d’avoir le cœur à l’ouvrage et le cerveau constamment sollicité.

De la Préhistoire où l’homme vivait essentiellement de la chasse et de la cueillette à ce troisième millénaire commençant où le temps et l’espace sont défiés, l’humanité a accompli des progrès insoupçonnés, l’allongement de l’espérance de vie en étant l’un des faits les plus saillants. D’une vingtaine d’années à la Préhistoire et d’une quarantaine d’années en 1900, l’espérance de vie est supérieure à 80 ans aujourd’hui en Europe occidentale. Elle est partout en augmentation, même dans la ceinture de pauvreté du globe, notamment en Afrique sub-saharienne, par le biais notamment de l’amélioration des conditions de vie, venant de plus en plus à bout des maladies de la pauvreté et de l’ignorance, qui en assurent la transmission et le développement. La structure démographique de la population africaine, marquée par une forte proportion de jeunes, est un important atout, en dépit des défis qui en découlent. D’un point de vue individuel, s’il est vrai que la gravité du pronostic d’une maladie réduit considérablement la probabilité de survie, celle-ci n’est absolument jamais nulle, ce qui est vrai pour une maladie ne l’étant pas forcément pour un malade, et ce qui est vrai pour une population ne l’étant pas forcément pour un individu. L’espoir est donc toujours permis !

Immense est le privilège d’appartenir au genre homo et à l’espèce sapiens, doté d’un cerveau d’une masse d’environ 1400 grammes chez l’adulte. Nous avons conscience qu’il n’existe jamais deux êtres rigoureusement et absolument identiques, et que chacun de nous est différent de lui-même d’un instant à l’autre. Nous savons également que chacun de nous est doté d’aptitudes et de talents enfouis en lui, qu’il convient de dénicher et de mettre en valeur, aussi bien pour soi qu’au service de la société. Il est indéniable que certaines aptitudes échappent à la grille classique de l’école et conduisent au rejet par celle-ci de leurs détenteurs. Doit être considérée comme illimitée notre capacité d’apprentissage, à force de persévérance. Les parcours, même ceux des plus illustres, sont plus souvent tortueux que linéaires : Claude Bernard, Charles de Gaulle, Rafael Nadal, Abraham Lincoln, Nelson Mandela, ont tous connu de cuisants revers avant de réussir. Doit également être prise en compte la diversité des intelligences :  celle rationnelle et celle émotionnelle, celle trop rapide comportant le risque d’être superficielle, et celle lente pouvant gagner en profondeur et aboutir à des résultats merveilleux, à la seule condition d’être couplées à une inoxydable ténacité. L’un des traits de caractère des surdoués réside dans leur force de travail, avec, selon la formule de Thomas Edison, 1% d’inspiration et 99% de transpiration. Le cerveau est d’autant plus performant qu’il est sollicité. Quel que soit le mode d’évaluation des performances du cerveau, leur répartition est superposable d’un continent à l’autre. Homogène est ainsi la répartition géographique des doués et des génies, des hommes et des femmes d’exception, de même que celle des débiles. Il importe donc de se décomplexer et de se départir des tares issues des esclavages et de la colonisation.

La croyance en soi et en ses facultés est indispensable à l’éclosion et à l’exploitation de celles-ci, et sert de socle au compter sur soi, au respect de soi et au rester soi, ces trois concepts s’arrimant parfaitement au sens de responsabilité. Agir comme si on était le seul maître de son destin, en ne comptant ni sur sa famille, ni sur son clan, ni sur l’État, est la plus constante des caractéristiques de ceux qui ont fait le monde, en agissant sur le cours des évènements dont ils modifient la trajectoire. Il importe de s’assumer en portant au zénith le sens de responsabilité que ne doit éroder ni l’entraide, ni la solidarité, mais que doit constamment galvaniser la mise en valeur de ses propres aptitudes et facultés. La lutte contre le découragement est la sève nourricière de la persévérance et de la répétition permettant de transformer ses échecs en une intarissable source de possibilités de rebond. Ainsi, la tâche primordiale qui incombe à l’enseignant est d’amener l’élève à croire en lui, à le valoriser, et à s’abstenir de commettre le péché consistant à le prendre pour un raté ou pire pour un taré parce qu’il a raté une épreuve. Rendre intelligible, accessible et attractive sa matière démythifiée doit être la boussole des actions de l’enseignant, conscient qu’il doit être qu’il y a plus souvent de mauvais enseignants que de mauvais élèves. En témoigne le changement radical de performances de l’élève consécutif au changement de l’enseignant de la matière à laquelle son cerveau semblait pourtant imperméable. Doit également être présent dans l’esprit des parents et des enseignants l’effet Pygmalion, cette prophétie autoréalisatrice permettant d’augmenter les performances de l’enfant par le degré de croyance en sa réussite venant d’une autorité ou de son environnement. On assiste ainsi chez l’apprenant, par cette prophétie, à une amélioration de la confiance en soi, à une réduction de l’anxiété, à une amélioration de l’humeur, à une plus grande implication personnelle, et à une vision positive des choses. L’apprenant devient bon lorsque l’encadrant le prend pour tel. Ceci est d’ailleurs à rapprocher de la méthode Coué, la conviction de guérir favorisant la guérison. Il est en effet possible d’influencer favorablement notre inconscient par la suggestion, et de cette façon d’améliorer notre état tant physique que moral. La méthode Coué et l’effet Pygmalion sont à rapprocher de l’effet placebo, défini par Shapiro comme l’effet psycho-physiologique de toute médication ou procédé à visée thérapeutique, qui est partiellement ou totalement indépendant de l’action pharmacologique du remède ou de l’action spécifique du procédé et qui fonctionne par l’intermédiaire d’un mécanisme psychologique.

L’intensité du travail augmente les chances de succès, le hasard, comme le dirait Pasteur, ne favorisant que les esprits préparés. L’ardeur au travail et le goût de l’effort sont les piliers de l’apprentissage et de l’instruction, sèves nourricières de tout métier, en ayant à l’esprit la nuance entre les deux concepts que sont apprendre et s’instruire. Il peut arriver qu’on apprenne ce qu’on ne voudrait pas savoir (afin d’avoir de bonnes notes pour obtenir son diplôme par exemple), mais on veut toujours savoir les choses dont on s’instruit (c’est le fondement de la culture générale). Il arrive souvent qu’on oublie ce qu’on a appris, mais il est plus rare d’oublier les choses dont on s’est donné la peine de s’instruire. Meubler le cerveau est un exercice à mener de façon continue, car on en apprend tous les jours, et qui cesse d’apprendre, cesse de grandir. Voilà pourquoi pour le Maréchal Foch, « Il n’y a pas d’hommes cultivés ; il n’y a que des hommes qui se cultivent. » En ce troisième millénaire commençant très fortement marqué par le numérique et son cortège d’extrême facilité d’accès à l’information, il convient de distinguer la culture de l’information, celle-ci étant à celle-là ce que le bruit est à la musique.

La croyance en soi et le compter sur soi remettent à leurs justes places l’aide et l’altruisme dont on peut être bénéficiaire. L’aide permet de porter à la tête du bénéficiaire la charge qu’il a préalablement hissé à hauteur de ses genoux. La charité s’associe à la foi et à l’espérance pour constituer les vertus théologales. La démarche, d’ordre religieux et spirituel, vise à atténuer l’un des traits les plus marquants du comportement humain, l’égoïsme. Les philosophes grecs ont opposé à ce trait de caractère l’instauration de la république. Ces deux démarches, très louables, soucieuses de préserver la paix civile en atténuant les gros écarts socio-économiques, ne sauraient éroder le réalisme mettant à l’abri des surprises, des déceptions et des frustrations, consistant à voir l’être humain avec les yeux de Racine et non avec les yeux de Corneille, c’est-à-dire tel qu’il est et non tel qu’il devrait être. L’esprit ainsi dépouillé des frustrations issues du compter sur autrui sera davantage apte à chercher, à dénicher, à explorer et à mettre en valeur les aptitudes et les talents enfouis en chacun de nous.

Le comportement et le profil de chacun de nous sont faits de qualités et de défauts, parfois complémentaires comme les deux cotylédons d’une même noix de cola. De grands esprits sont ainsi bipolaires, des phases d’exaltation alternant avec des phases de dépression, les secondes consistant en des périodes de gestation de l’œuvre, les premières à celles de son accouchement. De même, croire en soi et ne compter que sur soi comportent parfois une dose de fierté voire d’orgueil, et d’hypertrophie de l’égo. Il en est ainsi de Beethoven, de Ronaldo, de de Gaulle, etc. Une dose de tolérance est ainsi nécessaire à l’exploitation des qualités des uns et des autres, afin d’éviter de jeter le bébé et de garder l’eau de bain. Cette dose de tolérance permet la détection et la valorisation de modèles, hommes et non surhommes, qui éclairent la société de leur génie en en élargissant le champ du possible à travers un nivellement par le haut. C’est d’ailleurs l’un des objectifs assignés aux Jeux Olympiques. L’admiration dont jouissent les modèles permet aux plus jeunes de grandir, voire de les dépasser, rappelant l’attitude de Victor Hugo à l’égard de Chateaubriand. L’aptitude à admirer peut générer une vocation et permettre de hisser haut ses ambitions, préserve du nivellement par le bas, tandis que l’infirmité à admirer constitue un lourd handicap. Bien évidemment, le modèle objet d’admiration peut varier au fil du temps, mais il est impératif d’en avoir constamment un, par le hasard des rencontres ou par la lecture. Il est logique de considérer les hommes et les femmes d’exception comme des météores destinés à éclairer leur temps.

La chance d’appartenir à la meilleure des créatures est incommensurable. La conscience en notre unicité permet l’exploitation des talents particuliers dont nous sommes détenteurs. Rien n’est définitivement perdu. S’il est vrai que nul n’est parfait, il est indéniable que nous sommes tous perfectibles. Cette perfectibilité est rendue possible par une constante remise en cause, particulièrement en cas d’échec. Elle permet de dénicher à chaque fois sa part de responsabilité dans le résultat ainsi obtenu, d’éviter la démission consistant à incriminer autrui, d’en faire un diagnostic sans concession et de grandir. Cette démarche est bien documentée par la vie et le parcours de toutes les femmes et de tous les hommes d’exception, véritables locomotives de l’humanité, dont le génie et les talents, uniformément répartis sur la planète, ont vocation à éclairer l’univers.

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