Docteur en médecine ou médecin ?
La pratique médicale a longtemps été imprégnée du sacré, du religieux et de la métaphysique, avant son infiltration récente par les sciences exactes qui, depuis plus d’un demi-siècle, en constituent le socle de sélection des futurs exerçants. Différentes approches ont été tentées, sans pour autant parvenir à évaluer le critère essentiel et unanime devant incarner le profil du futur apprenant, la vocation. La multiplicité des approches témoigne du caractère insaisissable et non quantifiable de celle-ci. Autant l’obtention du doctorat en médecine, comme celle de tout autre doctorat et de tout autre diplôme, peut être soumise à des critères reproductibles, fiables et grossièrement objectifs, autant elle ne garantit en aucun cas l’attitude attendue du médecin dans l’exercice de son art, faite du sens de l’écoute, de compassion, de désintéressement, et de don de soi.
L’arrimage au sacré a longtemps conduit les anciens à rapprocher l’acquis de l’inné dans l’apprentissage de la médecine. Ainsi, dans toutes les sociétés humaines, l’art de soigner relevait d’une forme d’initiation, précocement administrée à celui des descendants ayant un profil déterminé et compatible. Il en a été ainsi de la médecine traditionnelle africaine, reposant essentiellement sur des plantes médicinales, dont les secrets ne sont livrés qu’à l’élu des descendants répondant aux critères dédiés. Le formatage à l’art de soigner résultait ici comme ailleurs, d’un moulage précoce et de longue durée, avec notamment une soumission absolue au maître dont la fusion avec le géniteur était à la fois souhaitée et idéalisée. La conséquence en fut pendant longtemps un mode de transmission de père en fils. Un tel parcours devrait servir d’assise à l’acquisition du comportement approprié, faisant harmonieusement corps avec le cognitif et les aptitudes. Ce mode de transmission quasi-familial a parfois été poussé à l’extrême, rendant inimaginable l’échec du fils d’un patron au concours d’entrée en médecine et au concours de l’internat des hôpitaux. Le mandarinat régentait les rapports entre l’apprenant et le maître, le second accordant le plus grand prix au comportement du premier dont il peut décider de l’irrévocable exclusion en cas de comportement jugé inapproprié !
Non indifférente à l’environnement dans lequel elle baigne, la médecine fut, au lendemain de la révolution scientifique, infiltrée par les sciences exactes qui, de façon progressive, vont se substituer aux sciences humaines pour déterminer le sort des futurs apprenants. La première année de médecine sera désormais peu médicale, et dépendra plus de la faculté des sciences que de celle de médecine ! Seront ainsi sélectionnés les assidus et performants en mathématiques, en sciences physiques et en d’autres « sciences exactes », auxquels est balisée la voie aboutissant au doctorat en médecine. La démarche permet certes d’avoir des docteurs en médecine, sans garantir une corrélation entre le brillant docteur en médecine et le bon médecin. La part belle faite aux sciences exactes a été renforcée ces dernières décennies par le recours aux technologies de l’information et de la communication, à la restriction de la place de l’intuition dans la démarche médicale, et aux considérations financières régissant désormais la médecine. La conditionnalité à l’aptitude aux sciences exactes, notamment dans l’espace francophone, a montré ses limites et a généré un recentrage, bien que timide, en faveur d’une approche visant à prendre en compte les dimensions non quantifiables de l’être humain. Se trouve ainsi mise en valeur la maîtrise des humanités fondées sur la philosophie, l’histoire, la socio-anthropologie et la littérature, bref la culture générale, le bon médecin étant, ne serait-ce que partiellement, philosophe !
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !