Utilité de la douleur

Autant la douleur hante constamment nos esprits, autant sa définition est malaisée. Qu’elle soit physique ou psychique, elle reflète toujours une souffrance, un mal être, un malaise, voire une maladie dont elle est souvent l’expression, amenant le malade à se savoir malade et à consulter. Son absence maintient le malade dans l’ignorance et la quiétude, et le conduit à se considérer bien portant. On aboutit ainsi à un retard diagnostique et donc thérapeutique. C’est malheureusement le lot des maladies graves et potentiellement mortelles. Inversement, des maladies, source de douleurs mais sans conséquence sur le pronostic vital, peuvent inciter à consulter, parfois en urgence. Tel est le cas des tendinites qui n’ont jamais tué personne. La douleur reste un excellent paramètre d’évaluation de l’acte médical, qu’elle relève d’une maladie grave ou bénigne. Son décryptage est en outre conditionné par la fluidité de la relation médecin-malade.

Au rang des principales causes de mortalité figurent les maladies non transmissibles que sont l’hypertension artérielle, le diabète et les cancers qui ont en partage l’absence de douleur à leur début, donc l’absence de signal d’alarme. Seule la prise régulière de la tension artérielle permet de détecter l’hypertension artérielle et de mettre en route le traitement. Il n’est pas rare de la voir détectée au stade d’un accident grave, une hémorragie cérébrale par exemple. Le dosage régulier de la glycémie permet le dépistage du diabète dont l’expression par une soif et l’émission de grandes quantités d’urines caractérise une forme consacrée. Le cancer, fait d’une prolifération de cellules anormales, est exempt de douleurs à sa phase initiale où il ne saurait inciter sa victime à consulter. La plupart des maladies infectieuses connaissent une phase d’incubation, totalement silencieuse, comprise entre la contamination et les premières manifestations ressenties par le malade. Le diagnostic est rarement posé à ce stade où la détection du germe peut être le fait d’un porteur sain, susceptible de transmettre la maladie dont il ne souffre pas. Le port d’une malformation viscérale, tel un anévrysme, peut être sans conséquence et de découverte fortuite, ou aboutir à la catastrophe par sa rupture souvent fatale, qui en occasionnerait la détection.

Ainsi, tout se passe comme si, soucieuses de proliférer, d’être efficaces et de parvenir à leur fin (consistant à terrasser leurs victimes), les maladies usent de cette arme redoutable qu’est le silence. Elles se mettent ainsi à l’abri d’une détection précoce, début de leur fin. Les progrès d’imagerie et de biologie du 20ième siècle sont mis à contribution pour un dépistage précoce des maladies, à leur phase inexpressive, par une approche systématique, notamment chez le sujet porteur de facteurs de risque. En outre, les nouvelles techniques de séquençage du génome humain servent de socle à la médecine prédictive qui vise à détecter chez un individu des prédispositions biologiques à telle ou telle maladie, afin de retarder, d’atténuer, voire de prévenir son apparition. C’est là un des chantiers ouverts par la révolution biologique du 20ième siècle.

 

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