Traiter la maladie ou soigner le malade ?

Les études médicales sont longues, harassantes, objet dans la plupart des pays d’une forte sélection. Transmise de père en fils chez les anciens qui étaient convaincus de la nécessité d’un moulage précoce frisant l’hérédité, la médecine fit ensuite l’objet d’une sélection fondée sur les sciences humaines que sont la philosophie, l’histoire, et les humanités. L’enseignement d’alors était truffé d’aphorismes, formules frappantes et raccourcis saisissants, faisant rêver l’apprenant tout en favorisant la rétention des cours. 

Les importants progrès scientifiques amorcés au 17ième siècle et consacrés au 19ième firent basculer les critères de sélection au profit des sciences exactes. Ainsi, l’enseignement désormais dispensé en première année de médecine, œuvre avant tout de la faculté des sciences, a peu trait à la médecine. Elle aboutit à la sélection d’étudiants scientifiquement solides et certainement aptes à poursuivre le cursus pour devenir des docteurs en médecine, et à l’exclusion d’étudiants qui pourraient être de vrais médecins.

Une fois formés, les médecins exerçant leur métier, toutes spécialités confondues, peuvent schématiquement être classés en trois catégories :

  • La première catégorie est constituée d’artisans, adeptes de l’application pure et dure des protocoles appris en faculté : il s’agit de techniciens de maintenance du corps humain, aptes à traiter la maladie qui concentre l’attention et la démarche du praticien, sur la base des prescriptions issues de l’enseignement des amphithéâtres de la faculté. La médecine est ici exempte de sacralité, le malade chosifié et remplacé par un numéro, le temps à lui consacré compté, parce qu’il est assimilé à un client, et l’hôpital à une entreprise ;
  • La deuxième catégorie est le lot d’artistes, ayant une approche holistique du malade dont sont prises en compte l’histoire, la sociologie, la profession, la vision du monde, les perspectives, les contraintes, etc. Ce décryptage est long, souvent chronophage, peu rentable financièrement. Le malade centralise le débat et dicte entièrement l’attitude, les décisions et les choix thérapeutiques du médecin dont l’objectif est de le soigner. Le cas de Marco Van Basten est démonstratif : ce footballeur néerlandais, triple ballon d’or, a subi plusieurs opérations des ligaments du genou visant à lui permettre la restauration intégrale de la fonction de celui-ci. Cet objectif est dicté par l’exigence de sa profession, incompatible avec la moindre limitation de la fonctionnalité du genou. Il aurait été d’une autre profession (médecin, avocat, architecte) que l’on se serait contenté d’un résultat moins exigeant : ce n’est donc pas le genou qui a été opéré, mais plutôt Marco Van Basten !
  • La troisième catégorie est celle d’hommes de culture, nantis d’une approche de santé publique, dont la démarche a pour champ d’action la société. Elle est basée sur la prise en compte de tous les facteurs concourant à la santé, qu’ils relèvent de la médecine ou des autres secteurs (éducation, hygiène, eau potable, électricité, pistes rurales, téléphonie, sécurité, alimentation, culture, histoire, mode de vie, etc.). Elle sert de fondement à la gouvernance et aux décisions politiques qui visent à venir à bout des facteurs servant de sève à la survenue et au développement des maladies.

Malgré les pouvoirs à elle conférés par les importants progrès scientifiques et techniques, la médecine doit se garder des dérives qui en découlent, retrouver une dose de sacralité, laisser une place, même minime, à l’intuition, se prémunir de la phagocytose des sciences exactes d’autant plus qu’elle s’exerce sur l’homme, un être qui n’a jamais été exact. 

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