Prouesses et tentations de la médecine

Réveillé de son sommeil plus que millénaire,
Hippocrate se rendit à l’université,
A la rencontre de ses illustres confrères,
Qu’une thèse réunit à la faculté,
Œuvre du plus dévoué des étudiants,
Qu’encadra le plus cultivé des enseignants.

 

Il exulta après l’écoute du serment,
Auquel sont liés son nom et sa personne,
Que prononça magistralement l’impétrant,
Doté d’un cognitif encyclopédique,
Mais plus rationnel que philosophique,
Et dont il fait étalage sans vergogne.

 

Un survol rapide mais précis de l’histoire,
Permit au Doyen d’aborder l’arborescence,
Source de la segmentation des savoirs,
Par laquelle Descartes scinda leur reine-mère,
En amont des progrès des exactes sciences,
Qui, du tamisage, sont le majeur critère.

 

Il couvrit d’éloges ses dignes successeurs,
Que furent Bernard, Darwin, Mendel et Pasteur,
Dont on doit l’abord rationnel des maladies,
Marquant sa démarcation de la magie.

 

Très grand fut son étonnement à l’hôpital,
Comportant des entités spécialisées,
Réparties en médicales et chirurgicales,
Satellites des appareils de notre corps,
Moins sacralisé car mieux analysé,
Décrypté grâce à la haute technologie,
Qu’illustrent les prouesses de l’imagerie,
Et dont la biologie prend part au décor.

 

L’efficacité des confrères l’émerveilla,
La chosification le déconcerta,
La part belle faite aux outils l’horrifia,
L’aspect hâtif de l’entrevue le dérouta,
Attentif qu’il fut au rapport soignant-soigné,
Avec des acteurs aussi proches qu’éloignés.

 

Ainsi s’aperçut-il des progrès de son art,
Dont l’hôpital est fier d’être l’étendard :
Avec l’allongement de la durée de vie,
L’homme ne se contentant plus de sa seule survie :
La sexualité en toute liberté,
Dissociée qu’elle est de la fécondité ;
Les maladies transmissibles en net recul,
Par la magie des vaccins et des molécules,
Et celle de l’hygiène dans ses trois formes,
Au service d’un abord protéiforme ;
N’est plus absolue la qualification,
Qui s’arrime à la quantification ;
Longtemps cantonnée à la seule correction,
La chirurgie de nos jours remplace et répare,
Pour rétablir de l’organe la fonction,
Ouvrant ainsi la voie à un nouveau départ ;
Le réel est secouru par le virtuel,
Pour célébrer un duo et non un duel,
Défier aussi bien le temps que l’espace,
Et concourir au bien-être de l’espèce.

 

De ces progrès résultent des tentations,
Porteurs qu’ils sont de déshumanisation ;
L’hôpital devient une entreprise,
Et la prestation une marchandise ;
La médecine étend son champ d’action,
A l’escarcelle du normal et du naturel,
Pour satisfaire des désirs individuels,
Reflet d’un égoïsme en érection ;
Les normes sont objet de bouleversement,
Dans une société en quête de repères,
Où les hommes semblent éluder le mystère,
Cédant facilement au diktat du clinquant ;
Le genre est troublé dans sa définition,
La morphologie dans son acceptation,
Le corps dans le standard des peuples dominants,
Au mépris de la diversité du vivant.
De retombées inégales sont les avancées,
Dont ne profite que très peu l’hémisphère sud,
Minés que sont ses peuples par la pauvreté,
Découlant en partie de leur servitude.

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