Discours prononcé par le Pr Moustafa Mijiyawa le 30 octobre 2023 à l’ouverture de la 47ème Assemblée Générale Scientifique Annuelle du Collège ouest-africain des médecins

Le Togo s’honore d’abriter la 47ième Assemblée Générale Scientifique Annuelle de notre noble institution, le Collège Ouest-Africain des Médecins. Il s’agit d’une occasion rêvée de retrouvaille familiale, héritiers que sont nos pays des empires qui ont illuminé le Moyen-Âge du continent-mère de l’humanité, conscients que nous sommes tous de notre ascendance commune, et persuadés que nous sommes de notre appartenance à une communauté de destin que des aléas de l’histoire ont vainement tenté d’éluder. Les auteurs africains classiques, Wole Soyinka, Alain Mabanckou, Camara Laye, Sembène Ousmane, Amadou Hampaté Ba, Chinua Achebe, et j’en passe, en ont fait largement écho dans leurs œuvres à la veille et au lendemain des indépendances.

Notre joie est d’autant plus intense que c’est la première fois que notre pays abrite une telle session, après avoir accueilli il y a quelques mois le Congrès du Collège Ouest-africain des Chirurgiens, les deux collèges étant à considérer comme l’envers et le revers d’une même pièce de monnaie, les deux cotylédons d’une même noix de cola, les deux seins de la même femme que représente l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé. C’est donc tout naturellement que je me réjouis de souhaiter à vous tous, la cordiale bienvenue en terre togolaise, et de remercier, au nom du Chef de l’État et du gouvernement togolais, l’ensemble de tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la tenue de la présente session.

Nous saluons la marque de confiance dont notre pays est l’objet, d’autant plus qu’il existe une parfaite cohérence entre les objectifs et les missions de votre collège, madame la Présidente, les besoins de nos populations et la politique de santé en vigueur au Togo. Votre collège et le Togo, soucieux de répondre aux besoins des populations, ont inscrit au premier rang de leurs préoccupations, l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant, de la santé communautaire, de la santé mentale, de la médecine de famille, de la médecine interne, et des examens de laboratoire, à travers des ressources humaines de qualité, centrées sur des médecins nantis d’une expertise avérée, le tout servant de sève nourricière à la couverture maladie universelle.

Vous comprenez alors tout l’intérêt accordé par l’exécutif togolais aux présentes assises, cadre idéal d’échanges, de partage, et de mise à niveau. De partage parce que le savoir non partagé relève d’une injustice ; de mise à niveau parce que l’imprimé est rapidement périmé en matière médicale ; d’échanges parce que seule la confrontation d’idées permet de dénicher des poches objet de questionnement, d’affiner sa compréhension, de reculer les frontières de son ignorance et d’élargir l’espace de ses acquis. En effet, aider l’autre à comprendre permet de vérifier que l’on a soi-même compris, et surtout de constater n’avoir pas encore tout à fait compris, ce qu’il est difficile de comprendre étant de comprendre qu’on n’a pas compris (Albert Jacquard).

En ce troisième millénaire commençant, notre continent et donc notre sous-région, en transition démographique, ont un catalogue pathologique fait d’une balance à deux bras, les maladies infectieuses et parasitaires d’une part, et les maladies non transmissibles d’autre part. A ces deux entités pathologiques, s’ajoutent deux autres causes majeures de mortalité, faites des accidents de la voie publique et du fardeau issu de l’insécurité.

Le demi-siècle écoulé a vu naître des facultés de médecine dans nos différents pays, avec l’implantation au cours des vingt dernières années de nombreuses spécialités, permettant une formation sur place de qualité. Des efforts ont été déployés dans nos pays pour assurer une adéquation entre l’entité formatrice qu’est la faculté et celles utilisatrices que sont les formations sanitaires. Le même souci d’adéquation nous conduit aujourd’hui à briser la barrière linguistique et à harmoniser les contenus, afin de donner une assise rationnelle à la mobilité des spécialistes au sein des différents pays de notre sous-région.

Par l’engagement et les objectifs qu’il s’est assigné, notre collège allègera la charge pathologique de nos populations, à un moment crucial où nos pays doivent faire face à une redoutable fuite de cerveaux, au danger que constituent les produits de qualité inférieure et falsifiés, aux difficultés d’anticipation nées du changement climatique, à la fracture sanitaire entre les deux hémisphères, le tout dans un monde rendu étroit par les extraordinaires outils de communication, notamment le numérique, qui permet de défier l’espace, un monde en quête de repères parce que les fondamentaux moraux sont mouvants et vite érodés, un monde soumis au diktat de l’immédiateté et du cumul en raison de la primauté du paraître sur l’être, un monde soumis au souci d’élargissement du champ des libertés individuelles et à l’érosion du goût de l’effort, un monde où les hommes, pressés de vivre, paraissent éluder le mystère, un monde où l’égoïsme ambiant nous incite davantage au compter sur soi, racine pivotante de tout développement individuel et collectif, un monde où la médecine est appelée non seulement à s’apposer à la nature mais aussi à s’y opposer, un monde où l’exercice de notre métier tend malheureusement à être plus orienté par l’amour de l’art pour le lard que par l’amour de l’art pour l’art.

C’est avec la ferme conviction de la prise en compte de ces données lors de vos travaux que je déclare ouvert, au nom du Chef de l’Etat, ce congrès auquel je souhaite le plus grand succès.

Je vous remercie de votre bienveillante attention.

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