Des concepts pas toujours corrélés
Au rang des héritages coloniaux, figure en bonne place le mode de fonctionnement de l’administration publique. L’entrée dans la fonction publique et donc le début de la carrière de l’agent, repose sur son diplôme, donc sur une qualification. Par la suite, l’agent gravit les grades et les échelons essentiellement sur la base de l’ancienneté. Une confusion conceptuelle aboutit imperceptiblement mais automatiquement à prendre le moyen pour la finalité, la qualification pour la compétence, la compétence pour l’efficacité, et l’efficacité pour l’efficience. On est ainsi payé et auréolé pour les études effectuées en lieu et place de la résolution effective de problèmes que celles-ci sont censées permettre. Le problème est tellement tentaculaire qu’il affecte tous les pans de l’administration et de ses démembrements, même l’université, réputée être le temple du savoir et le site du bouillonnement des idées et de la pensée.
Menées dans les entités de formation, les études se soldent par l’obtention d’un diplôme. Le mode d’évaluation des apprenants est parfois peu formateur, car basé sur la restitution de leçons apprises par cœur dont on ne s’assure pas toujours de la réelle compréhension par l’apprenant. Des enseignants vont jusqu’à exiger de retrouver sur la copie de l’apprenant la restitution intégrale de leur cours. La note 20/20 peut ainsi être attribuée à un apprenant qui n’a pas compris grand-chose du contenu de sa propre copie, qu’il oublie aussitôt, ayant juste mémorisé pour réussir à son examen. Les facultés d’adaptation, de créativité et d’inventivité, piliers de l’intelligence, se trouvent ainsi émoussées. Les efforts consentis par l’apprenant ne visent qu’à réussir à son examen. Les études se soldent par l’obtention d’un diplôme, souvent pris pour ce qu’il n’est pas, ni dans son contenu, ni dans sa finalité. On est ainsi amusé de se rendre compte de la non maîtrise de fondamentaux par des détenteurs d’un doctorat. On est également heurté de voir des agrégés se démarquer du but ultime de l’agrégation, perçue par certains comme une décoration, c’est-à-dire non pas comme un service à rendre, mais comme une couronne ou une décoration obtenue pour service rendu. Certains sont fiers d’afficher leur échec (n’avoir pas de remplaçant à la fin de leur carrière), qu’ils prennent pour une réussite, désireux de se constituer ainsi en indispensable recours, même après leur départ à la retraite.
Au chapitre des conséquences de l’établissement d’une synonymie entre les concepts, figurent la non remise en cause, une autosatisfaction démesurée, l’obstruction à une auto-formation continue, l’exploitation abusive du droit d’aînesse, et la fixation de l’esprit sur les glorieux temps passés à l’université. En médecine, ces faits se traduisent par la large place qu’occupent les différents titres du médecin sur son ordonnance, chacun souvent précédé de l’épithète « Ancien ». C’est oublier que le malade, à la fois consulté et consultant, est un excellent évaluateur qui, comme Frazier, reste convaincu que la nature est probabiliste, l’information incomplète, les ressources limitées, les résultats essentiels et les décisions obligatoires.
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