De la nécessité de désirer et d’exploiter les aptitudes dont on est doté

Exceptionnelles dans la population générale sont les personnes affligées d’une tare les condamnant à une irréversible dépendance. Il en est ainsi de celles atteintes de l’infirmité motrice cérébrale, source d’un lourd handicap moulant et modulant la vie de leur entourage. Fort heureusement, Dieu dans Sa grâce dote chacun de la grande majorité des humains, d’aptitudes lui permettant de s’instruire, de se former et d’assurer son autonomie en subvenant à ses besoins, ne serait-ce que ceux naturels et nécessaires. Il importe pour y parvenir de créer les conditions favorables à l’éclosion, à l’érection puis à l’exploitation des talents enfouis en chacun de nous. C’est l’un des objectifs assignés à l’école dont la forme classique n’explore cependant qu’une partie du vaste champ des aptitudes et des talents. Fait important, l’élément moteur réside dans le dépistage, le dénichement et la foi en cette aptitude dont chacun est nanti. Cette foi et la détermination y afférente, rendent possible l’apparemment impossible en élargissant et en diversifiant les opportunités. Voilà pourquoi elles constituent les plus déterminantes des ressources mises à disposition dans la construction de l’individu. Ces ressources relevant du cadre, de l’environnement et de l’entourage, visent essentiellement à amener l’individu à croire en lui, à travers la culture de la confiance en soi et de l’estime de soi dont l’érosion engendre des conséquences hautement préjudiciables dans son développement.

Sur son homme perché, le cerveau, organe complexe et précieux, est le siège de la pensée par laquelle, non content de voir et de subir, l’homme imagine, découvre, invente, entreprend et bâtit. Ceci lui permet d’assoir sa domination sur les autres créatures et son impact sur la nature. La masse du cerveau n’a cessé d’augmenter avec l’évolution (650 grammes chez l’Homo habilis il y a 2,5 millions d’années, 800 à 1200 grammes chez l’Homo erectus il y a un million d’années) avant de se stabiliser à 1400 grammes depuis environ 200.000 ans avec l’Homo Sapiens. L’accroissement de la masse s’est couplé au développement des voies d’association néencéphaliques pour servir de socle à la pensée rationnelle. En termes d’impact sur l’intelligence, le poids relatif (poids du cerveau rapporté au poids du corps) semble plus pertinent que le poids absolu : 1/400 chez l’éléphant, 1/1000 chez la baleine, et 1/50 chez le dauphin, proche de celui de l’homme. Influencée par l’affectivité, la pensée est fondée sur la mémoire, exprimée par des mots et des phrases qu’inspire l’intelligence, et qu’induisent la raison et l’imagination (Lazorthes). A l’inverse, l’ordinateur, nanti d’une mémoire phénoménale et d’un raisonnement programmé, est dépourvu d’affectivité et exempt d’imagination.

La croyance en soi et à son potentiel permet à chacun de dénicher de son cerveau les talents et les aptitudes dont il est nanti et de les mettre au service de ses semblables. L’on doit être convaincu d’être doté d’aptitudes spécifiques qui ne demandent qu’à être exploitées. Fait remarquable, la profondeur et l’étendue de ces aptitudes sont proportionnelles au degré de leur exploitation. Martin Luther King a ainsi eu raison de penser que « Chacun de nous porte en soi, cachées au plus profond de lui-même, des forces créatrices, et nous avons le devoir de les découvrir et de les utiliser. Lorsque quelqu’un a découvert pourquoi il a été créé, il doit mettre tout en œuvre pour réaliser au maximum le plan du Créateur, suivant ses propres possibilités. Il doit essayer de réaliser quelque chose de façon telle que personne ne soit capable de le faire mieux que lui. Il doit le faire comme s’il s’agissait d’une mission spéciale que lui aurait confiée le Créateur, à lui personnellement, et à ce moment précis de l’histoire du monde. Personne n’est capable de réaliser quelque chose d’exceptionnel s’il n’a pas le sentiment d’avoir été appelé spécialement pour cela, en un mot, s’il n’a pas la vocation. »

Les performances du cerveau ont été l’objet de plusieurs tentatives d’évaluation et de quantification. Le quotient intellectuel (QI), né de l’idée du psychologue allemand Stern et mis en œuvre en 1905 par Binet et Simon, est l’une des méthodes d’évaluation les plus couramment utilisées. Il a été l’objet de nombreuses critiques, fondées sur ses limites et les sources d’erreur, liées notamment au déficit de contextualisation et à son incapacité à prendre en compte les diverses formes d’intelligence dont une dizaine ont été décrites par Gardner (linguistique, logico-mathématique, musicale, kinesthésique, visuo-spatiale, interpersonnelle, intrapersonnelle, naturaliste, et existentielle). Dans tous les cas, les performances du cerveau sont l’objet d’une répartition homogène à travers la planète : la proportion de surdoués (quelle qu’en soit la définition) ou de personnes nanties d’une intelligence supérieure ou précoce, est analogue sur tous les continents. Il en est de même de celle des tarés. Aucun continent, aucune population, n’en détient le monopole ni l’exclusivité. Les hommes et les femmes d’exception, responsables de grandes avancées de l’humanité à travers leurs découvertes ou leurs œuvres, sont ainsi issus de tous les continents et de tous les peuples, même si les dominants tentent inlassablement de légitimer leur statut en masquant les apports des dominés. Il n’est pas superflu de rappeler que l’algèbre, branche des mathématiques dédiée aux équations, naquit à Bagdad sur les rives du Tigre, au début du IXème siècle. Elle est l’œuvre d’un savant perse, Mohamed al-Khwarizmi, auteur de Kitab al jabr i al muqabala (traité du raboutage et de la mise face à face). Le mot « al jabr » a donné algèbre, et al-Khwarizmi latinisé a donné algorithme. Ainsi également sont insuffisamment connues parce qu’insuffisamment rapportées les prouesses des Noirs, objet de l’ouvrage remarquable d’Yves Antoine (Inventeurs et savants noirs), où l’on trouve Lewis Howard Latimer pour avoir révolutionné la lampe à incandescence créée par Thomas Edison ; Garrett Augustus Morgan, pour l’invention du feu tricolore ; Alexander Miles pour l’ouverture et la fermeture automatiques des portes d’ascenseur ; Daniel Hale Williams, pour être le premier chirurgien à avoir réalisé une opération à cœur ouvert ; Percy L. Julian pour l’invention d’une mousse capable de combattre le feu ; Benjamin S. Carson pour avoir été le premier neurochirurgien à séparer deux siamois reliés par la tête ; Patricia E. Bath pour l’invention d’un laser permettant l’extraction de la cataracte ; Philip Emeagwali pour avoir été l’un des pères fondateurs du réseau internet, etc.

Le constat issu de l’analyse faite à l’échelle individuelle se retrouve à l’échelle collective. Les pyramides d’Égypte (une des sept merveilles du monde, construites pour accueillir notamment les corps momifiés des pharaons et de leurs épouses, avec des pierres pouvant peser jusqu’à 30 tonnes), et la grande muraille de Chine (s’étendant sur 8.850 km, construite durant plus de 2.000 ans pour protéger le pays des agressions extérieures) toutes datant de l’Antiquité et donc antérieures à la Révolution scientifique et industrielle, sont le fruit d’une ingéniosité et d’une maîtrise manuelle inégalées, aboutissant à une légitime synonymie entre artisanat et art. Il en est de même des mosquées et des cathédrales du Moyen-Âge, chefs-d’œuvre architecturaux et parfaite incarnation de ce que peut produire l’esprit humain déterminé et ayant foi en ses potentialités. A contrario, la colonisation (surtout mentale) subie par l’Afrique, conformément aux vœux de ses ténors, eut pour effet d’induire dans l’esprit du colonisé un complexe d’infériorité. Ce complexe est fait d’une érosion de l’estime et du respect de soi de celui-ci, servant de socle à une sous-utilisation de son potentiel cérébral et donc à sa constante dépendance envers le colonisateur, faite d’un compter sur autrui plus important que le compter sur soi. Jules Ferry, un des grands théoriciens de l’expansion coloniale française, faisait état des droits et des devoirs des races supérieures à l’égard des races inférieures, analogues à ceux de la civilisation à l’égard de la barbarie. Albert Memmi, dans son célèbre ouvrage Portrait du colonisé, fait une excellente description de l’impact de la colonisation sur l’esprit du colonisé. Les manuels scolaires sont truffés de références directes ou sournoises à l’ex-puissance colonisatrice dont la domination est ainsi maintenue et les intérêts préservés. La référence à la peau blanche sert de sève nourricière au recours aux produits décapant et éclaircissants de la peau, en vogue dans la quasi-totalité de l’Afrique sub-saharienne. Il s’agit de la parfaite incarnation tant superficielle que profonde du complexe qui pollue l’esprit des Noirs que nous sommes. Une prise de conscience est indispensable, la levée de cette disposition de l’esprit étant un préalable à tout développement des pays anciennement colonisés.

Il importe de rappeler l’absence de neutralité dans le contenu des concepts et le langage leur servant de support et de mode de transmission. Il en est ainsi du domaine des mathématiques, relevant a priori des « sciences exactes ». Il est établi depuis Pythagore que dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés, ce que traduit l’équation : sin2a + cos2a = 1. Bien que reflétant une indéniable réalité mathématique, cette équation véhicule la civilisation, la culture et la tradition de la Grèce antique, rappelant ainsi la place de celle-ci dans l’histoire, notamment l’époque où ce pays était flamboyant et rayonnant. Chez les compatriotes de Pythagore, elle induit à jamais une fierté indissociable d’un aiguisement patriotique et de l’épaississement d’un compter sur soi et d’un respect de soi, inoxydables piliers de développement.

De ce qui précède, il importe d’avoir à l’esprit que chacun d’entre nous est nanti de facultés et d’aptitudes dont l’exploitation (relevant d’une obligation morale) sert de socle à son utilité sociale par le biais des services qu’il est susceptible de rendre à ses semblables. Chacun doit avoir ainsi conscience du rôle qu’il est destiné à jouer, étant l’un des maillons de la longue chaîne des humains dont il constitue une pièce utile. Cette prise de conscience est indispensable au développement à l’échelle individuelle et collective. Ont été néfastes et destructrices toutes les initiatives ayant concouru à l’érosion de l’estime de soi et du respect de soi, et au développement de l’autoflagellation. Ces initiatives aux conséquences dévastatrices au rang desquelles figurent en bonne place l’esclavage et la colonisation ont malheureusement truffé l’histoire de l’humanité. Il en est de même de certaines formes aide qui visent, à l’échelle individuelle ou collective, à se maintenir et à maintenir le bénéficiaire dans le statut d’éternel assisté plutôt qu’à l’amener à s’autonomiser et à se dépasser afin de s’en passer.

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