Oraison funèbre de monsieur Fambaré Ouattara Natchaba, prononcé le 24 octobre 2020 à Gando par le Pr Moustafa Mijiyawa

Nous voici ici présents sous la forme d’un vaste individu collectif, vibrant à l’unisson d’une affliction partagée, en lien avec la perte d’un être cher, monsieur Fambaré Ouattara Natchaba.

L’homme dont le Chef de l’Etat m’a fait l’insigne honneur de prononcer, au nom du Gouvernement, l’oraison funèbre, devant l’auguste assemblée par vous constituée, monsieur Fambaré Ouattara Natchaba, naquit ici même, à Gando, où il fut l’un des premiers élèves accueillis par la toute nouvelle école primaire ouverte en 1951. Il découvrit très tôt la capitale française  en 1958, à l’issue d’un concours d’expression française organisé dans le cadre de la francophonie naissante. C’est donc très précocement qu’il se dote des atouts du redoutable débatteur connu et reconnu de tous, tour à tour menaçant, apocalyptique, simulateur, avisé et visionnaire. Le goût de l’expression va alimenter la rhétorique, en lien avec sa passion politique, dont il représente la parfaite incarnation. L’art de gouverner fut le choix dont il ne s’est jamais démarqué, sous-tendu par une bonne dose de courage, frisant la témérité, nanti du génie de faire un savant dosage entre la ruse et la force, ayant très tôt pris conscience de la complexité de l’art politique qui peut être appris, mais qui ne saurait être enseigné. Il fit ses armes dans les mouvements estudiantins en France où ses études furent sanctionnées par un doctorat d’Etat en droit public à Poitiers. Peu préoccupé par les avantages matériels pouvant résulter de l’exercice du pouvoir, monsieur Natchaba était  affermi dans ses convictions, plein de son esprit, armé d’une inoxydable vivacité intellectuelle, et doté d’un sens aigu d’anticipation. La fierté et la dignité qui l’abritaient le déconnectaient constamment du terre-à-terre, fervent qu’il était des hautes destinées, conformément à la vaillance et au sens de sacrifice du peuple Anoufo. Il s’illustra d’emblée comme un redoutable animal politique, un stratège, exempt de tout amateurisme, dès l’aube de sa carrière inaugurée à 33 ans par le poste de directeur de cabinet du Président de la République. Le milieu dont il était issu a galvanisé en lui le goût de l’effort, le refus du renoncement, la ténacité, le respect de soi et le compter sur soi, le tout devant  lui permettre de toujours lever le front pour laver l’affront. Ainsi, ni la conférence nationale, ni les autres vicissitudes de la vie politique de notre pays, tels les événements d’août 2017, n’ont érodé ses engagements qu’il a constamment défendus aussi bien face à ses adversaires politiques que dans les instances internationales (Assemblée Parlementaire ACP/UE, Comité Interparlementaire de l’UEMOA, Parlement Panafricain, etc.). Du Président Gnassingbé Eyadéma il dresse un portrait minutieux, pittoresque et admiratif. La divine providence faisait de lui un condensé de talents, un concentré d’aptitudes, au service d’une carrière politique menée tambours battants, devant le hisser au sommet de la représentation nationale à 55 ans. Durant tout son parcours, il a toujours compris que loyauté, efficacité et pérennité rimaient. Outre sa présence sur la scène politique, monsieur Natchaba était un excellent enseignant de droit, dont les cours enflammaient les amphithéâtres, et mobilisaient l’attention des étudiants.

La longue maladie qu’il a connue n’a altéré ni son sens de l’honneur, ni sa dignité, ni son engagement. Le soutien et l’empathie du Chef de l’Etat n’ont eu d’égal que sa hauteur d’esprit et sa grandeur d’âme, cherchant à chaque fois à savoir ce qu’il y a lieu de faire, même au stade où, manifestement, il n’y avait plus rien à faire. Jusqu’au dernier jour, le Chef de l’Etat s’est tenu informé de l’état de monsieur Natchaba. Qu’il en soit vivement et chaleureusement remercié.

Mesdames et messieurs,

L’objet de la présente rencontre relève du sort réservé à tout vivant et ce quel que soit le statut. Mêmes les prophètes, chargés de transmettre le verbe divin sur terre, et bien que nantis d’exemplarité et parfois d’impeccabilité, n’y échappent. Il en a été ainsi du  prophète Mouhamed, mort le lundi 08 juin 632, après avoir souffert durant deux semaines d’une fièvre associée à des maux de tête.

Ainsi, la mort reste un phénomène tout aussi mystérieux que consensuel depuis la nuit des temps. Source permanente d’inépuisables  questionnements, elle taraude tous les esprits, étant à la fois naturelle, quotidienne, universelle, inévitable, aléatoire, et indéterminée.  A la certitude de mourir s’oppose en effet  l’incertitude de l’évènement qui ravive la foi en notre inéluctable fin. Cependant, bien qu’absurde et monstrueuse, la mort n’est pas que négative, car elle contribue au perfectionnement de l’espèce, en mettant à genou notre orgueil, à nu notre ignorance encyclopédique, en ébullition nos émotions, et en érection nos facultés mentales. Elle nous  rappelle que de la vie, nous ne sommes que temporairement possédants, jamais propriétaires. A travers elle, notre séjour sur terre, provisoirement définitif, devient définitivement provisoire.

Nous formulons le vœu que l’âme de monsieur Natchaba repose en paix. A son épouse, ma tante, et à leurs cinq enfants, mes frères et sœurs, le Gouvernement, sous la direction du Chef de l’Etat, par ma modeste voix, leur adresse ses condoléances les plus attristées. Que Dieu nous bénisse, nous protège, nous éclaire, nous couvre de Sa grâce et nous pardonne. Amin.

Je vous remercie de votre bienveillante attention.

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